Faites vous-mêmes vos pronostics !


Le pont du 1er mai pour un prof, c’est trois jours sans étudiants. C’est beaucoup trop !
La vocation chevillée au corps, j’ai décidé d’employer ce temps libre à rédiger ce tutoriel « faites vous-mêmes vos projections pour le second tour des élections présidentielles françaises du second tour ».

J’ai rédigé ce petit billet parce qu’autour de moi, il se tient beaucoup de discours irrationnels sur cette élection : 

  1. untel sera élu à coup sûr, que j’y aille ou non
  2. cette élection ne me concerne pas
  3. ou encore mon petit préféré : « les français » vont se mobiliser


Ce billet a donc pour objet de répondre point par point aux affirmations suivantes :

  1. Il n’y a pas de candidat élu à coup sûr, celle élection – très clivante – est également très serrée.
  2. Cette élection concerne tout le monde, puisque le choix entre deux modèles orthogonaux de projets pour le prochain quinquennat va se décider dans un mouchoir de poche.
  3. Quand on dit « les français » vont se mobiliser, on dit « les autres, mais pas moi ». Un exemple chimiquement pur de dilution de la responsabilité, étudiée en psychologie sociale.


Projection n’est pas prédiction.


En réponse par avance aux protestations que ce tutoriel ne manquera pas de susciter (s’il est lu - ce petit blog n’est pas tout à fait le dernier endroit où passer le pont), je précise mes trois critères de projection : le programme des candidats, la tonalité de leur campagne de premier tour, et la dimension personnelle du choix des électeurs. Autrement dit :

  • Dans quelle mesure le programme des perdants du premier tour est-il compatible avec l’offre du second ?

  • Dans quelle mesure la tonalité de la campagne des perdants du premier tour (y compris l’éventuelle révélation de leur choix de vote) inciterait leurs électeurs à se porter vers tel ou tel candidat présent au second ?

  • Dans quelle mesure les choix personnels (et non « irrationnels ») de l’électeur pourraient infléchir les critères précédents ?


Pour préciser encore :



  • Je n’ai pas fait voter au second tour ceux qui se sont abstenus au premier. Certains d’entre eux voteront, mais je n’ai pas les compétences pour projeter leur vote. Et ceux qui s’y risquent tendent généralement, quand ils le font sérieusement, à admettre que c’est un exercice très périlleux.

  • Je me retrouve avec une forte abstention (45%). Dans mon modèle, ce serait essentiellement dû à ce que ne je sais pas ce que voteront ceux qui se sont abstenu au 1er tour. C'est aussi dû - vous le verrez plus loin - à ce que je postule une abstention massive de nombreux électeurs de gauche, qui refuseraient de se projeter dans un scrutin où aucun candidat se réclamant de la gauche n'est qualifié. 

  • J’ai projeté des reports de voix de la gauche vers Le Pen, et des reports de voix de la droite vers Macron, qui pourront paraître surprenantes à certains. Je les invite à consulter des sources de sociologie électorale qui rendent plausibles ce type de reports.

Ceci dit, allons-y.

De quel matériau avez-vous besoin ?



  • D’un tableur excel : Excel, ou la suite gratuite Open Office, ou n’importe quelle suite bureautique en ligne feront l’affaire.



  • Des données officielles des résultat du 1er tour, disponible ici.


D’abord, vous collez le tableau du Ministère de l’Intérieur dans votre tableur, et vous triez par ordre décroissant la colonne du nombre de voix pour faire apparaître en premier les deux vainqueurs. Ça se colle tout seul, ça se range tout seul, c’est magique. 






Puis vous créez une nouvelle feuille, et vous la préparez pour calculer les reports de voix. Je l’ai fait comme ça. J’ai rajouté quatre colonnes, qui m’ont l’air de parler d’elles-mêmes.


Si les images vous apparaissent trop petites pour être lues, cliquez dessus pour les agrandir. 






Il y avait sûrement une meilleure manière, mais en la matière j’ai vite appris qu’il n’y avait pas de complexe à avoir : quand ça marche, c’est l’essentiel, même si ce n’est pas d’une élégance cardinale. 


A vos commentaires !


Je précise que je suis un parfait autodidacte du tableur, et si vous avez des suggestions pour faire mieux, plus vite et plus facilement ce que j’ai fait, mettez vos astuces en commentaire ! Vous me rendrez un grand service, ainsi qu’à celles et ceux qui liront ce billet par la suite.

Cette remarque s’adresse bien évidemment aussi à celles et ceux qui proposeraient des reports différents des miens : un échange courtois sur des points précis est ce qu’on peut trouver de mieux sur Internet (avec les chats qui tombent, on est d’accord).

Reprenons le tuto :


Quand vous en êtes là, vous indiquez tous vos reports, sous forme d’un nombre entier entre 0 et 100. 


Reports MACRON + reports LE PEN = maximum 100 (non, je ne vous prends pas pour un idiot, je suis juste prof, c’est à dire quelqu’un pour qui la lecture des copies dépasse souvent la fiction).

Ensuite, si votre tableau est comme le mien, vous faites trois choses : 



  • Paramétrez les colonne D et F pour n’accueillir que des nombres entiers. La multiplication des voix par le % des reports que vous aurez choisi vous donnera des chiffres à un ou plusieurs décimales. Or, les voix sont des quantités discrètes. Pas parce qu’on les exprime dans un isoloir, c’est le nom qu’on donne en statistique aux entités non divisibles (ex. le nombre de pièces d’un appartement, le nombre d’enfants, le nombre de voitures par foyer etc.). Tapez « arrondi excel » ou « arrondi libre office » sur votre moteur de recherche préféré, il vous indiquera la marche à suivre.
 
  • Entrez dans la cellule D2 la formule suivante : =(B2*C2)/100. Entrez dans la cellule F2 la formule suivante : =(B2*E2)/100. Ces formules vont multiplier les voix du 1er tour (colonne B) par les reports que vous aurez suggérés en colonne C et E. Avantage : vous pouvez modifier manuellement à volonté les pourcentages de report, les scores des candidats se modifieront automatiquement en conséquence.

  • Servez-vous de la fonction “répétition” du tableur. Cliquez sur la cellule D2, vous verrez apparaître un petit point en bas à droite de la cellule. Quand vous approchez votre souris de ce point, elle se transforme en croix. « Tirez » sur la cellule : l’ordinateur répétera automatiquement le calcul en augmentant automatiquement chaque fois d’un point les coordonnées des cellules de votre formule . Il écrira pour vous : =(B2*C2)/100, puis =(B3*C3)/100, puis =(B4*C4)/100 etc. Vous voyez l’intérêt : ce que vous avez fait manuellement pour Macron, le tableur le fera automatiquement jusqu’à Cheminade. Même chose pour la colonne F, évidemment.


Voici mes résultats

 

 


LE PEN, MACRON : j’ai supposé un report massif au second tour pour les candidats sélectionnés au second tour. Un peu moindre s’agissant des électeurs de Macron, que les instituts de sondage créditent d’une moindre fermeté dans leur choix. J’ai aussi supposé pour chacun d’eux 1 % d’électeurs WTF, qui changent d’avis en 15 jour (on a tous un exemple en tête).


FILLON : Le candidat a beau avoir avoué qu’il voterait Macron, son programme sociétal a de nombreux points communs avec celui de Le Pen. J’ai supposé que cela s’annulerait, avec une abstention importante, compte tenu de la polarisation de la campagne.


MELENCHON : Le leader de la France Insoumise a renvoyé dos à dos les deux candidats, cohérent en cela avec le reste de sa campagne. J’ai donc supposé une abstention massive, avec un faible vote pour chacun des deux candidats (pour ou contre la colère vis-à-vis du « mondialisme » exprimée par la candidate FN : les deux tendances existent chez ses électeurs, dans des proportions que nous ignorons jusqu’à la semaine prochaine).


HAMON : J’ai prévu un report important vers Macron (ex-PS, candidat choisi par Hamon au soir du 1er tour), sans être massif (je n’ai pas trouvé de raison sérieuse de croire que le côté gauche de l’électorat d’Hamon se comporte différemment de celui des électeurs de Mélenchon), avec les quelques % de ses électeurs qui voteront FN au second tour, comme je l’ai prévu pour Mélenchon.


DUPONT-AIGNAN : Au cas où vous rentreriez à peine d'une promenade sur la Lune (c'était bien ?), je rappelle que le maire de Yerres a appelé à voter Le Pen. Leurs campagnes étaient très proches, j'ai supposé que ces électeurs voteraient massivement comme leur leader.

LASSALLE : J’ai prévu que son électorat s’abstiendrait beaucoup, et qu’il voterait plutôt Le Pen en raison de sa surreprésentation en zone rurale - le vote Le Pen est fort en zone rurale.


POUTOU et ARTHAUD : J’ai supposé une abstention massive, avec un faible vote pour chacun des deux candidats (pour ou contre la colère vis-à-vis du « mondialisme » exprimée par la candidate FN : les deux tendances existent chez ses électeurs, dans des proportions que nous ignorons jusqu’à la semaine prochaine).


ASSELINEAU et CHEMINADE : report massif pour Le Pen, la candidate de la sortie de l’Euro, et contre Emmanuel « Finance » Macron. 





Pour celles et ceux qui n’auraient ni le temps ni l'envie de composer leur propre tableau, je vous propose de télécharger le mien, et de modifier vos projections selon vos envies.


Selon cette projection, Le Pen gagne au second tour, avec 13517 voix d’avance. Très peu, mais largement assez pour valider le scrutin.

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