Matrix, Internet, le portable : vers 2000, on a tous vu bouche bée l'imaginaire du chiffre investir d'autorité notre quotidien. C'était plié : le grand livre du monde était fait d'un langage numérique, il fallait parler à l'oreille des machines et leur susurrer des datas pour s'assurer une place dans l'avenir. Les ordinateurs quittaient les entrepôts discrets des arrières-salles de laboratoires pour s'installer partout où il y avait encore de la place. Poussant la télé dans la chambre d'ado, glissé minuscule entre main et oreille, ou énorme à l'instar de ces fermes de serveurs accumulant le "big data" de la vie privée. L'esprit humain n'aime pas trop le vide : un mythe est donc né de tout cela, selon lequel le chiffre - ce pain quotidien des petits et grands ordinateurs qu'on croisait désormais partout - le chiffre donc contenait la quintessence du réel. Puisque les ordinateurs parlaient en chiffres, et que les ordin...